<%@LANGUAGE="JAVASCRIPT" CODEPAGE="CP_ACP"%> Maurice Marois
Accueil > Institut de la Vie > Science et responsabilité

Institut de la Vie

 

clown au bouquet

«La vie, facteur d'unité»

 

Une philosophie (suite)

L’Homme à la Conquête de l’Espoir 

Par Maurice MAROIS
Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, Président Fondateur de l’Institut de la Vie

Allocution devant la Société genevoise d’Utilité Publique
Genève, 15 février 1979

L’Espoir est une constante de l’homme. Il nous habite. Nous n’avons pas à le conquérir, mais quelquefois à le reconquérir. L’Espoir est lié à la volonté passionnée de la vie qui veut vivre et s’épanouir, la vie qui obstinément s’est maintenue sur la terre pendant des millions de siècles en dépit de toutes les vicissitudes, la vie qui fait de la mort sa servante.

Le 20 septembre 1977, un homme disparaissait : le Pasteur Georges APPIA. Devant sa famille dont j’admire la haute stature spirituelle, j’évoque avec respect sa mémoire. Le Pasteur laissait un message d’outre tombe : « Aidez S.O.S. Amitié », l’organisation française des services de Secours par Téléphone, homologue de la « Main tendue » en Suisse. Le message dépassait les frontières. Nous l’avons perçu et c’est l’ensemble de ces services partout sur la terre qui fut distingué par un prix de 250000 Francs de l’INSTITUT DE LA VIE décerné à trois pasteurs, le Pasteur Renald MARTIN de Genève, le Pasteur CHAD VARAH de Grande Bretagne, et le Pasteur Alan WALKER d’Australie.

Le suicide que combattent ces services avec tant d’humanité et d’amour, est la négation de la vie. L’INSTITUT DE LA VIE avait le devoir de regarder en face ce drame humain et social pour tenter de comprendre le désespoir qu’il porte, la condamnation qu’il formule, l’espoir qu’il appelle. Parce qu’il est la négation et la protestation absolues au prix du renoncement à la vie, il nous interpelle d’une manière absolue.

Les grandes voix tragiques de notre temps célèbrent le malheur, chantent le désespoir, proclament la mort et invitent au néant. Quand les raisons de vivre s’engloutissent dans le bruit, la fureur et les larmes, alors le désespoir s’empare du monde. Et le naufrage menace non plus seulement l’individu mais l’espèce toute entière.

Devant la laideur, l’horreur, le malheur, la réponse peut être de résignation ou de remise en cause. Cette remise en cause invite à identifier les valeurs essentielles. Elle peut déboucher sur la violence qu’Alain PEYREFITTE appelle le cri des muets, le cri des perdus, sur la guerre, sur la révolution. Échapperons-nous à l’alternative tragique de la résignation ou de la violence et trouverons-nous les voies de la réconciliation ?

Réconciliation de l’homme avec lui-même par un acte de confiance dans sa grandeur, réconciliation de l’homme avec son avenir car il n’y a pas de problème créé par l’homme auquel l’homme ne puisse trouver sa solution : il n’y a pas de fatalité, hormis la fatalité ultime de la mort. Contre le sentiment de la fatalité et du retour du tragique, tenter de trouver des solutions technologiques, découvrir que nous avons prise sur le réel. Nous pouvons transformer le monde et changer la vie.Réconciliation avec la nature. Réconciliation avec l’espérance elle-même : ne pas tuer la petite fleur espérance : « soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui est en vous » (Saint Pierre).

L’espérance est une coloration de l’âme habitée par la certitude d’un accomplissement. L’espoir est de l’ordre de l’histoire et du temps : c’est un projet concret. L’espérance est intemporelle, l’espoir est temporel. Mais espérance  et espoir sont indivis comme l’homme est indivis, temporel et intemporel, selon la belle formule de SAINT JOHN PERSE.

L’espérance et l’espoir invitent à chasser la peur et à prendre confiance.

L’optimisme est nécessaire.

L’histoire de l’humanité a toujours été traversée par de grands courants d’optimisme, tant il est vrai que l’homme a besoin d’espérer : l’optimisme chrétien (le Bien et le Mal ne sont pas sur le même plan, le Bien remportera la victoire sur le Mal et le manichéisme est une hérésie), l’optimisme marxiste, l’optimisme des religions mexicaines qui constatent que les dieux ont raté la création et qu’il convient à l’homme de coopérer, l’optimisme scientiste et son idéologie du progrès. L’idéologie du progrès se fonde sur la rationalité technique : accroître le savoir pour faire grandir le pouvoir, produire pour consommer. Et c’est un fait que de notables progrès ont permis certaines émancipations : abolition de l’esclavage, meilleur statut de la femme, réduction du travail répétitif et machinal qui ne représente désormais que 2% du travail humain aux États-Unis. L’optimisme s’exprime encore dans les utopies : et les utopies d’hier deviennent les réalités d’aujourd’hui.

Ces attitudes d’espoir doivent être tempérées par la nécessité de la mesure et de la sagesse. L’espoir scientiste peut se réaliser dans la démesure, dans l’ubris qui caractérisent les excès de la volonté de puissance. Même mesure dans la vision réaliste qui nous gardera des désenchantements. Il conviendra d’intégrer les rechutes, les limites, le mal dans la conception d’un progrès humain qui ne saurait être linéaire. Il conviendra d’intégrer l’échec car l’échec lui-même est riche de leçons.

L’espoir peut être personnel, familial, social. Il peut avoir un contenu économique et politique.

Espérance et espoir n’invitent pas à la passivité mais postulent une inébranlable force intérieure, une constance contre la tiédeur et la faiblesse, l’éveil à autrui contre l’indifférence, l’altruisme contre l’égoïsme, la remise en cause contre l’atonie, la marche en avant contre la paresse immobile, un effort d’analyse à long terme, un grand dessein, un classement hiérarchique des options contre l’irréflexion, la myopie, la vision à court terme.

L’espoir peut être sociopolitique (paix sociale, progrès économique), espoir de libération de l’homme par la victoire sur les aliénations, ce qui ne saurait signifier le rejet de toute contrainte car il est des contraintes nécessaires, libératrices plus qu’aliénantes. Sans doute faudrait-il écrire l’éloge de l’ascèse qui n’est pas mortification mais contrainte voulue, consentie et acceptée au nom d’exigences intérieures.

S’il nous est donné de prendre nos distances par rapport aux réalisations terrestres, si nous refusons  de confondre efficacité et fécondité, certaines évidences s’imposent qu’il faut bien appeler spirituelles : l’innocence poétique, la pauvreté, la charité, le désir, l’amour, la joie, la sainteté, la communion, la célébration. Et, dans l’ultime ascension, se rejoignent l’espérance et l’espoir, la contemplation et l’action. La contemplation est mère de l’action. Les grands actifs sont des contemplatifs parce que la vision qui les habite inspire un idéal, propose un enjeu, lance un défi et nourrit la volonté d’agir.

Au terme de cet itinéraire se proposent à nous les voies de la justice, les chemins de l’amour, les sentiers de la perfection.

Le 21 février 1978, lors de la cérémonie solennelle de remise du Prix de l’INSTITUT DE LA VIE, j’ai lancé un appel public pour une Fondation de l’Espoir et la présente soirée est l’une des manifestations nées de cet appel qui a atteint les cinq continents.

« Il s’agit d’ouvrir l’avenir à la vie et aux hommes. Nous nous assignons une double mission :

Traquer les formes de désespoir, mais aussi donner un contenu positif à l’espoir, depuis la satisfaction des besoins primaires jusqu’à l’accomplissement des plus hautes aspirations, dans l’harmonie de la paix.

Dans toutes ces missions, la science, témoin de la grandeur de l’esprit humain, apportera sa contribution objective et attestera ainsi, qu’elle entend assumer à sa place l’homme dans son humanité, je veux dire assumer non point seulement l’esprit qui interroge mais la personne de chaque être humain unique, irremplaçable et d’une valeur infinie.

Après le triomphe des maîtres du soupçon, après l’ivresse scientiste, puis le déracinement et le désespoir, voici l’homme dans son impatience de l’inaccompli et dans sa proche plénitude, non pas un galet emporté par le torrent ni une bulle à la surface du néant, mais l’homme acteur et sujet de l’histoire, poète, héros et saint, l’homme à la pureté intacte au plus secret d’une conscience, fût-elle dévastée.

La grandeur n’est pas la démesure. Il n’est pas de grandeur dans l’horrible. En quoi l’homme est-il grand : par la puissance de l’intelligence et la force de l’espérance – en un mot par l’esprit et le cœur  -  Atteindre à la grandeur par le service d’une grande cause. Pas de grande cause qui ne soit au service de l’homme et de la vie.

Chercher, connaître, agir, aimer.

Le royaume se vit et l’homme s’accomplit dans la quête, l’amour, l’action.

L’avènement de la vie que l’INSTITUT DE LA VIE annonce doit devenir service effectif de l’humanité. L’espérance incarnée dans l’INSTITUT DE LA VIE a besoin pour se réaliser d’une médiation, d’un projet humain. Tel est le défi de l’espoir que lance à son heure notre institution.

Six cent mille ans d’histoire humaine, six cent mille ans de souffrance et de peine, de bruit et de fureur sculptent le silence immobile où se déploie le mystère innommé de la vie, où se dessine pour chaque être qui vit le mystère du sens.

Il y a l’humaine condition et c’est la même misère et c’est la même grandeur, il y a l’angoisse et c’est le même naufrage, il y a l’échec et c’est la même tristesse, il y a le mal et c’est le même abîme, il y a la mort et c’est le même vertige, mais…il y a la vie et c’est le même éblouissement, il y a l’avenir et c’est la même chance et c’est le même péril, il y a l’intelligence et c’est la même lumière, il y a la liberté est c’est la même passion, il y a le combat et c’est le même dépassement, il y a l’espérance et c’est le même élan, il y a la tendresse et c’est le même chef d’œuvre, il y a l’amour et c’est le même accomplissement.

retour au sommaire

page précédente / 1 / 2 / 3 / 4 / 5 / page suivante

 

haut de page