<%@LANGUAGE="JAVASCRIPT" CODEPAGE="CP_ACP"%> Maurice Marois
Accueil > Institut de la Vie > Genèse

Institut de la Vie

 

Maurice Marois

chant du cygnelire l'article au format pdf

«La vie, bien premier»

La maturation (suite)

AUX PORTES DU TROISIEME MILLENAIRE : LE CHANT DU CYGNE

Maurice MAROIS

La révélation écrasante des dimensions de l’univers invite à une méditation morose sur la petitesse de l’homme. Le Soleil est situé à cent quarante-neuf millions de kilomètres de la Terre. Son volume, un million trois cent mille fois le volume de la Terre, est inférieur à un cent milliardième de celui de la galaxie à laquelle il appartient : la voie lactée. Ainsi il faut un million trois cent mille Terres pour atteindre le volume du Soleil et cent millions de Soleils pour atteindre celui de la voie lactée. Le diamètre de celle-ci est de cent mille années-lumière soit près d’un million de milliards de kilomètres. Et la voie lactée charrie cent milliards d’étoiles.
Que dire du reste du cosmos ? On a compté deux mille milliards de galaxies. Le télescope spatial permettra sans doute d’en dénombrer cinq cents fois plus. Il permet déjà de capter les ondes émises par les galaxies à quinze milliards d’années-lumière c’est-à-dire à cent quarante-et-un mille neuf cents milliards de milliards de kilomètres.

Oui, la révélation écrasante de la dimension de l’univers invite à une méditation morose sur la petitesse de l’homme.

Milliards de galaxies, milliards d’étoiles, millions de systèmes planétaires, mais combien de planètes propices à la vie ? Il en est une dans notre voie lactée : la Terre, notre vaisseau spatial. Sur cette Terre âgée de quarante-cinq millions de siècles, la vie est apparue il y a quarante millions de siècles. Les êtres organisés évoluent. L’évolution montre l’ascension vers les hauts complexes. L’homme, homo sapiens sapiens, est le dernier né il y a cent mille ans à peine. Notre planète achèvera son destin cosmique dans encore quarante millions de siècles.

Le hasard joue-t-il un rôle dans l’histoire du cosmos et de la vie ? L’importance de ce rôle est discutée.
Evoquons les étonnements d’un astrophysicien Jean Audouze. Il désigne comme « incroyable » une série de processus qui paraissent mettre en échec justement le hasard.  Ces processus jalonnent l’évolution du monde jusqu’à la manifestation de la vie.
C’est ainsi que les valeurs des quatre forces de la nature sont déterminées par des constantes fondamentales. Eussent-elles différé d’un rien et l’apparition de la vie et de l’homme devenait impossible.
Trois noyaux d’hélium fusionnent pour former du carbone 12. Cette fusion ne peut se produire qu’en empruntant une voie très étroite. Si les lois de la physique avaient été légèrement différentes, il n’y aurait pas de carbone dans l’univers, donc pas de « vie »… « On dirait, conclut Jean Audouze, que nous assistons à une conspiration du réel pour conduire à l’univers que nous connaissons. »
Conspiration du réel ? « Non, il n’y a pas de conspiration du réel pour expliquer l’apparition de la vie » affirme le Prix Nobel Jacques Monod qui déclare : « L’univers n’était pas gros de la vie », à quoi il ajoute « ni la biosphère de l’homme ». Mais voici que le Prix Nobel belge Christian de Duve riposte : oui, l’univers était gros de la vie, « la vie appartient à la trame de l’univers. Si elle n’était une manifestation obligatoire des propriétés combinatoires de la matière, il eût été absolument impossible qu’elle prenne naissance naturellement… ».
« Quant à la deuxième affirmation selon laquelle la biosphère n’est pas grosse de l’homme je suis tenté de ne pas être d’accord avec elle, poursuit Christian de Duve. Quand j’écoute de la musique, quand je me promène dans une galerie d’art, quand je régale mes yeux des lignes pures d’lune cathédrale gothique, quand je lis un poème ou un article scientifique, quand je regarde jouer mes petits-enfants, ou simplement quand je réfléchis sur le fait que je peux faire toutes ces choses, y compris sur mon pouvoir de les faire, il m’est impossible de concevoir l’univers dont je fais partie comme n’étant pas contraint, par sa nature même, de donner naissance quelque part, à quelque époque, peut-être en de nombreux endroits et à de nombreuses époques, à des êtres capables d’apprécier la beauté, de ressentir l’amour, de chercher la vérité et d’appréhender le mystère. Cela me met, sans doute, dans la catégorie des romantiques. Qu’il en soit ainsi. »

C’est dire que le pari de Christian de Duve va au-delà du caractère inéluctable de l’apparition de la vie : jusqu’à l’apparition des êtres vivants semblables à l’homme.

Remontons le cours du temps. Il y a quinze milliards d’années environ, le big bang marque la formation de l’univers que nous connaissons. Ce big bang n’est pas né de rien. Qu’y avait-il avant lui ? Nous ne le savons pas. L’énigme de nos origines premières reste entière. Aurons-nous jamais le dernier mot ? Jamais, répondent les astrophysiciens, en invoquant une sorte d’océan d’énergie, la théorie de l’inflation chaotique et la nécessité de découvrir une nouvelle superthéorie qui échappe à notre entendement. Elle tiendrait à la fois de la relativité générale et de la physique quantique. Or il n’y a aucune connexion entre ces deux domaines. Ainsi quelque chose existait avant le big bang mais restera à jamais inaccessible.

Cette interrogation sans réponse dans un domaine qui pourrait nous rester caché pour toujours, rejoint la question que m’a posée un soir mon fils Jean-Pierre à l’âge de quatre ans et demi :
« Papa, je n’arrive pas à dormir car j’ai un problème avec Dieu.
−Déjà ?
−Oui, le voici : c’est Dieu qui a fait le monde. Mais qui a fait Dieu ? »
Perplexe, j’ai répondu : « Demande à ta mère ! » 
Celle-ci affirma : « Dieu est hors du temps. Pour lui le passé, le présent et l’avenir se confondent. Il a été, Il est, Il sera. Il vit dans la durée. Quand les hommes posèrent à Dieu la question : « Qui es-tu ? » Il répondit : « Je suis celui qui suis. » Ainsi il ne quittait pas la première personne. Et , ô miracle, Jean-Pierre s’endormit ! Son inquiétude métaphysique était-elle calmée ou avait-il simplement sommeil ?
Un ministre avait dit à de Gaulle : « J’ai trouvé une solution à ma question. » De Gaulle répartit : « Vous avez de la chance, moi je vis avec mes questions. »

Du cosmos à l’homme, de l’infini à la poussière pensante, notre survol nous a donné quelque émotion. Mais si du moins la réalité daignait souscrire à l’intuition du Prix Nobel De Duve, si la biosphère devait de toute nécessité nous engendrer il y a cent mille ans, chacun de nous s’en trouverait conforté, car notre naissance ne serait pas un somptueux accident, mais un accomplissement.

haut de page

D’où vient l’homme ? se demandait Jean Rostand et il répondait : « D’une lignée de bêtes aujourd’hui disparues et qui comptaient des gelées marines, des vers rampants, des poissons visqueux, des mammifères velus. Ce petit-fils de poisson, cet arrière-neveu de limace, a droit à quelque orgueil de parvenu. D’une certaine lignée animale qui ne semblait en rien promise à tel destin, sortit un jour la bête saugrenue qui devait inventer le calcul intégral et rêver de justice. »

Humanité de l’homme, cet animal éthique, religieux, artiste, joueur. Cet être « ni ange ni bête, carcasse blessée, animal immature à la naissance, plaie béante durant la vie, mortel à tout moment, finitude  toujours présente » selon la puissante formule du psychiatre Ajuriaguera.

Que savons-nous de l’homme, ce « spectre sous sa cape de laine et son grand feutre d’étranger », ainsi que le définit Saint John Perse ?
L’homme sait qu’il sait, mais sait qu’il ne sait rien, pas même ce qu’il fait sur Terre, pas même quel cet univers qu’il habite l’espace d’un éclair.

 

Biologiste, je ne me lasse pas de contempler le somptueux spectacle de la vie.
L’un de ses traits les plus remarquables est que depuis quarante millions de siècles, nous l’avons dit, elle se maintient sur notre Terre. Prodigieuse épopée !
La vie se perpétue et je suis prêt à vous décrire la diversité des moyens que la nature utilise pour assurer cette continuité si du moins vous me lancez ce défi au cours de la discussion.

C’est aux humains que je consacrerai l’essentiel de mon exposé. Chemin faisant, il m’arrivera d’observer d’autres espèces et d’admirer l’extrême diversité des moyens mis en œuvre par la nature.

La vie se perpétue et c’est sur les aspects multiples de cette continuité que nous porterons ensemble nos regards. Le processus le plus simple s’observe chez les asexués. Chez eux, la reproduction est rigoureusement à l’identique. C’est l’exemple des bactéries et des protistes qui se multiplient à l’infini par simple division d’individus semblables. Quel morne ennui ! Asexuées, les hydres vertes d’eau douce et les anémones de mer qui se reproduisent par bourgeonnement. Asexués aussi les tuniciers, les cnidaires, le corail rouge, les madrépores et bien d’autres espèces. Mais la rigidité du processus, en interdisant la variation, peut être mortelle quand se modifient dangereusement les conditions de milieu ou quand des mutations aboutissent à des êtres non viables.

Pour conjurer la mort, certaines espèces recourent en alternance à la sexualité. Et l’on voit tout à coup une bactérie s’approcher amoureusement de sa congénère et lui injecter une part de son matériel génétique : c’est la conjugaison.

 

Cette alternance n’est pas rare dans le règne animal. Une même espèce peut choisir selon les circonstances l’un ou l’autre mode de reproduction. Mais il arrive aussi qu’un même individu soit porteur des deux sexes à la fois : il est hermaphrodite ; il est simultanément ou successivement mâle et femelle.
Les cellules sexuelles (spermatozoïdes et ovules) sont émises ; encore faut-il que la rencontre se produise.
Considérez telle espèce marine, les oursins par exemple : des millions de leurs cellules mâles et femelles sont dispersées dans le vaste océan où pullulent celles d’un grand nombre d’autres espèces. Comment chacun va-t-il rejoindre sa chacune ? Grâce aux échinochromes, substances chimiques absolument spécifiques, libérées par les ovules de l’oursin. Ce sont des signaux de reconnaissance.
Immense gâchis car très peu de cellules atteignent leur but. Peut-on les économiser ? Oui, par l’innovation de la fécondation interne. Par exemple, chez lez mammifères, l’accouplement dépose la semence dans le réceptacle. Avec des moyens moindres, la perpétuation de l’espèce est sauvegardée. Tant il est vrai que la nature, en dépit de sa prodigalité, manifeste le souci d’épargner les précieux acides nucléiques, « cathédrales moléculaires » constitutives des chromosomes.

Autres signaux chimiques : chez les insectes, les femelles lancent l’appel du sexe – le sex appeal des Américains – par la grâce de substances odoriférantes absolument spécifiques, les phéromones. Le mâle perçoit l’appel jusqu’à douze kilomètres de distance. Une découverte récente révèle un processus semblable chez l’homme et chez la femme hormis les douze kilomètres. Tous les mammifères sécrètent des phéromones. Leurs effets sont divers. Chez certains, elles délimitent le territoire ; quand un mâle s’aventure sur celui d’un congénère, une bataille féroce s’engage pour la possession des femelles. Le dominat ne tue pas l’adversaire, le dominé s’incline en échange de la vie sauve. Ces phéromones sont élaborées puis libérées par certaines glandes sous la stimulation des hormones sexuelles, par exemple chez le mâle la testostérone, hormone de l’agressivité. D’autres substances sécrétées par la femelle transforment le farouche guerrier en amant attendri et l’on se prend à rêver que ces substances apportent la clé de la paix universelle.

Qu’en est-il des humains ? Au début du développement embryonnaire, l’humain comme tous les mammifères est indifférencié ; les deux potentialités masculines et féminines sont présentes. Puis les émouches des glandes génitales évoluent en testicules ou en ovaires en fonction de leur constitution chromosomique. Ensuite par ses sécrétions, le testicule fœtal différencie le sexe en  agissant sur les ébauches mâles et femelles, toutes deux présentes. Il impose la masculinisation en développant les ébauches des organes somatiques mâles et en supprimant celles des organes somatiques féminins. L’ovaire fœtal quant à lui, n’est pas indispensable à la réalisation du type féminin.

haut de page

La vie a une histoire semée de vicissitudes. Elle doit se défendre contre les agressions et s’adapter aux conditions changeantes du milieu. Un exemple récent est l’attaque soudaine des virus du SIDA ; elle menace l’humanité d’extinction. Il se trouve que certains humains sont naturellement résistants : ils repeupleraient la planète si la science était impuissante. Mais la science est en train de vaincre. Cette résistance est due à un équipement génétique favorable. Or la diversité des membres de notre espèce est infinie puisque chacun de nous est unique. Donc unique est sa formule génétique. Ces formules sont d’une innombrable variété ; il suffit que quelques-unes soient victorieuses. Heureuse variété ! Elle est bien opportune.

Comment organiser cette variété ? L’invention du sexe y pourvoit. Il instaure la diversité à chaque conception en mêlant les chromosomes maternels et paternels. Nous n’en sommes pas encore là car il convient que la rencontre entre les deux sexes se produise.

Les préliminaires de cette rencontre mobilisent les moyens somptueux de la séduction, qu’il s’agisse des stridulations de insectes de la parade nuptiale des poissons, du chant des oiseaux, des couleurs chatoyantes de leurs plumes, des imposants bois des cerfs qui interviennent aussi dans l’affrontement des mâles.

Ce tableau doit être complété. L’idylle est parfois sanglante : chez la mante religieuse la consommation de l’amour s’achève par la consommation du mâle. Chez les anguilles, « le voyage de noces implique une extraordinaire migration. Toutes les anguilles d’Europe et d’Afrique du Nord se donnent rendez-vous dans les tièdes abîmes de la mer des Sargasses, à plusieurs milliers de kilomètres de leur point de départ. Après la ponte et la fécondation, les procréateurs périssent sur place » (Jean Rostand). Dramatique mariage de l’amour et de la mort. Dans ces tristes circonstances, la survie de l’espèce transcende celle des individus.

Vingt-trois paires de chromosomes sont logés dans les noyaux de chacune de nos cellules. Ce n ombre est caractéristique de notre espèce. Une seule paire marque la différence entre l’homme et la femme : il s’agit des chromosomes dits sexuels X et Y. la formule est XX chez la femme et XY chez l’homme. Un gène à l’extrémité du bras court du chromosome Y, le gène XFY, est responsable avec quelques autres gènes secondaires de la masculinité. Sur quoi repose la superbe du mâle ? Sur quelques minuscules gènes parmi les cent mille qui constituent notre patrimoine.

haut de page

Arrêtons-nous encore à l’être humain, notre beau  tourment. Vous allez assister à un stupéfiant spectacle : les noces des spermatozoïdes et de l’ovule.

Le spermatozoïde humain a une petite tête de cinq millièmes de millimètre prolongée d’une longue queue de cinquante millièmes de millimètre. La petite tête contient un noyau. Dans ce noyau, vingt-trois chromosomes eux-mêmes formés de cinquante mille gènes, supports de l’information génétique paternelle. La queue est l’appareil locomoteur dont le mouvement hélicoïdal va permettre au spermatozoïde de bondir à une vitesse stupéfiante vers l’ovule, unique objet de ses rêves. Tel est le spermatozoïde. Voici l’ovule. Celui-ci est d’un diamètre de trois cents millièmes de millimètres. Son noyau renferme vingt-trois chromosomes, supports de l’information génétique maternelle. Autour du noyau, un cytoplasme riche en réserves nutritives, sorte de garde-manger : un peu de sucre, les glucides, de matières grasses, les lipides, des protéines, le vitellus. L’ovule, beau navire aux flancs gonflés de richesses est pondu par l’ovaire : on parle de ponte ovulaire. Il présente ainsi sa candidature à la vie. Il vogue vers son destin à la rencontre de l’immense armée de trois cents millions de spermatozoïdes  émis en quelques jets au moment de l’union conjugale. Telle est votre prodigalité, Messieurs. Une émission et c’est la population de l’Europe de l’Ouest ; quinze émissions et c’est la population du globe. Le combat se déroule dans un tunnel obscur, la corne utérine. A l’issue d’une furieuse mêlée, un seul vaincra et pénètrera au cœur de la belle, qui fidèle par vocation, interdira l’accès du sanctuaire à tous les autres.

Le spermatozoïde, c’est l’information génétique plus la chasse, le combat, la conquête. Certains croient y reconnaître quelques traits masculins.
L’œuf pendant quelques jours devra vivre d’une vie libre sur les réserves que l’ovule dans sa sagesse a engrangées. L’ovule, c’est l’information génétique plus la prévision de l’avenir, la garde de la vie, la prudence bénéfique. Est-ce déjà la femme ? Les deux noyaux du spermatozoïde et de l’ovule se sont mariés. Chacun a apporté en dot  vingt-trois chromosomes. Le noyau nouveau qui résulte de leur fusion contient quarante-six chromosomes, nombre caractéristique de l’espèce humaine, nous l’avons dit. Ainsi l’œuf est constitué : au commencement était l’œuf. Il est animé d’un extraordinaire dynamisme organisateur, selon la formule du grand embryologiste belge le Professeur Albert Dalcq. Il se divise en deux, quatre, huit, et… jusqu’à former en neuf mois l’être achevé qui compte soixante mille milliards de cellules. Ainsi soixante mille milliards de cellules procèdent de la seule cellule primordiale. Chaque être humain est unique. Aucun ne lui a ressemblé, ne lui ressemble, ne lui ressemblera jusqu’à la fin des temps, sauf les jumeaux vrais. Prodigieuse diversité ! Unique, donc irremplaçable. Il poursuivra de la naissance à la mort son pèlerinage terrestre et accomplira son destin personnel.

 

Du point de vue biologique, la finalité de la reproduction est le maintien de la vie. Celle de la sexualité est en plus de sauver l’espèce contre les aléas de la vie sur le globe, en multipliant à l’infini les combinaisons génétiques ; cette profusion rend aussi possible l’évolution.

Hommes et femmes, leurs destinées sont enlacées, indissociables, unies par le mystère de l’amour. Poussière dans l’immensité du cosmos, mais poussière dont chacune ne ressemble à nulle autre, unique donc irremplaçable.
Ecoutez l’Eve de la légende : « Prends ma main et garde-la dans la tienne car nous avons encore l’amour à perdre. » Laissez-moi paraphraser cette belle formule et vous dire : « Joignons nos mains et gardons-les unies, car nous avons la vie à sauver. »

Après cette échappée romantique, il est bon de toucher terre et de rejoindre les vingt-trois paires de chromosomes fondateurs de notre espèce. Les chromosomes sont formés d’une succession de gènes dont le nombre total est de cent mille. Ceux-ci contiennent toute l’information qui en s’exprimant a fait l’homme ou la femme que vous êtes.
Les cent mille gènes président à la synthèse de cent mille protéines. Les unes structurent les cellules, les autres sont responsables de presque toute la chimie de notre vie. Les gènes sont constitués par des séquences d’acide désoxyribonucléique ou ADN. Chaque ADN est composé d’un sucre, d’un acide, et aussi d’une base elle-même choisie dans un assortiment de seulement quatre bases. Les quatre bases sont les lettres de l’alphabet de la vie. Notre patrimoine génétique contient trois milliards de bases : c’est-à-dire qu’il dispose de trois milliards de lettres.

Le gène est un élément commun aux êtres unicellulaires, aux végétaux, aux animaux et à l’homme ; le gène est partout. Avec des moyens simples, il rend possible la diversité des espèces et à l’intérieur de chaque espèce, la diversité de ses membres. Qu’il s’agisse de l’histoire de la vie, de son évolution, de la profusion de ses formes, du développement embryonnaire, des anomalies congénitales physiques et mentales, de l’apparition des cancers, du vieillissement, le gène commande, organise, contrôle.

 

La plupart de nos cellules se renouvellent en permanence. Nous changeons d’épithélium intestinal toutes les quarante-huit heures, d’épiderme toues les trois semaines : c’est dire combien souvent nous dépouillons le vieil homme. Les cinq litres de notre sang contiennent cinq millions de globules rouges par millimètre cube, je dis bien par millimètre cube. Ils ont une durée de vie de cent vingt jours. Puis ils meurent, et nous souffrons quatre millions de petites morts toutes les minutes. Mais nos cellules cérébrales ne se renouvellent jamais.
A chaque division la cellule se dédouble, et il faut bien qu’alors soient recopiés les rois milliards de caractères. Une erreur de copie est une mutation. Ces mutations peuvent être utiles car elles sont à la source de l’extraordinaire diversité des êtres : c’est grâce à ces variations que les organismes vivants survivent aux modifications du milieu.

haut de page

Il est temps de  considérer le cerveau humain. Je ne peux vous en livrer qu’un aperçu abrégé que je développerai au cours de la discussion, si vous le souhaitez.
Notre cerveau pèse moins de deux kilos. Il renferme cent milliards de cellules nerveuses selon les dernières évaluations ; ce nombre est du même ordre que celui des étoiles de notre galaxie, la voie lactée.
Ces cellules ou neurones ont été longtemps considérées comme formant un réseau continu, chacune semblant fusionnée par ses prolongements avec ses voisines sans que l’on puisse distinguer une frontière entre deux entités. Le savant espagnol Ramon Y Cajal a découvert qu’elles forment des unités distinctes qu’il a comparées à « des papillons mystérieux de l’âme dont les battements d’ailes pourraient – qui sait – clarifier  un jour le secret de la vie mentale. Il s’agit évidemment d’une image, mais elle est belle.
Les cellules cérébrales entretiennent elles des myriades d’interrelations. La zone des contacts porte le nom de synapses.
Le nombre total des synapses est d’un million de milliards pour Jean-Pierre Changeux, de dix mille millions de milliards pour d’autres. Pour compter un seul million de milliards, il faudrait, au rythme d’une synapse par seconde, trente-deux millions d’années. Si l’on essaie de comprendre comment les gènes peuvent contrôler l’établissement de chacune des dix mille millions de milliards d’interrelations, on se heurte à une impossibilité absolue. Mais l’explication est désormais trouvée : l’épigenèse. Le cerveau achève de se construire lui-même en échappant aux chromosomes. Au moment de la mise en place des structures cérébrales, les neurones se déplacent, poussent des pointes de croissance, établissent des liens avec d’autres neurones, disparaissent lors de remaniements, constituent enfin un réseau conformément à un plan général d’organisation avec une infinité de variantes. En sorte que dans le détail les cerveaux humains sont tous différents. Ce prodigieux cerveau est considéré comme l’objet matériel le plus complexe de l’univers. Sur les cent milliards de cellules nerveuses qui habitent notre boîte crânienne, combien sont en relation avec le monde extérieur ? Seulement 0,02 % pour recevoir tous les échos du monde et agir sur lui. Tout le reste, soit 99,98 % représente les circuits intermédiaires qui transmettent, stockent et traitent les informations. Cette considération laisse pressentir je ne sais quelle primauté du cerveau humain par rapport au monde extérieur lui-même. « Maître Cerveau sur un Homme perché », écrivait Paul Valéry.

Les informations captées par les organes des sens cheminent sous la forme d’impulsions électriques, les influx nerveux. Elles courent de cellule en cellule jusqu’à atteindre les zonez de l’écorce cérébrale où elles achèvent d’être traitées. C’est la perception.

 

À la fin d’une longue vie consacrée à la physiologie du système nerveux, Sherrington, en 1950, déclarait : « Aristote, il y a deux mille ans, se demandait comment l’esprit est lié au corps, nous nous posons toujours cette question. »  Pascal a écrit :  « L’homme est à lui-même le plus prodigieux objet de la nature ; car il ne peut concevoir ce que c’est que le corps et encore moins ce que c’est que l’esprit, et, moins qu’aucune chose, comment un corps peut être uni avec un esprit. C’est là le comble de ses difficultés, et cependant c’est son propre être. » Impuissance actuelle de la science, impuissance peut-être provisoire de l’esprit à se saisir lui-même. Déception sans doute, mais aussi admiration car l’état d’âme du neurophysiologiste qui interroge les mécanismes du système nerveux central et de l’esprit est bien l’admiration. Celle-ci ne peut pas ne pas conduire à une immense interrogation sur le mystère des causes premières et des fins dernières.

 

Einstein s’interroge : « Le plus incompréhensible est que le cosmos me soit compréhensible. » Certes, Einstein sait bien qu’il net qu’une bulle à la surface du néant, qu’une poussière dans l’immensité.
Armée de l’intelligence, cette poussière arrache à l’univers, sphinx jusqu’ici muet, quelques-uns de ses gigantesques secrets. Elle découvre quelques mécanismes, jusqu’ici impénétrables, de la création. Admirable exploit ! Mais à la fierté succède l’inquiétude. Car cette poussière acquiert le pouvoir d’agir sur la vie, d’en modifier les formes et de changer l’homme, elle constate la précarité de la biosphère, le caractère unique du jardin de la Terre, l’épuisement prévisible des ressources non renouvelables, l’érosion des gènes : dans les trente prochaines années, 20 % des espèces actuellement vivantes auront disparu à jamais, plus qu’au cours des derniers soixante millions d’années.

L’homme observe encore que son environnement peut être périlleux : émergence de nouveaux virus comme bientôt d’autres agents pathogènes – je pense aux prions – modifications potentiellement de même dimension que les cataclysmes géologiques : perforation de la couche d’ozone, déforestation, réchauffement de la Terre.

L’humanité sait que son expansion connaîtra ses limites, à moins que le rêve grandiose d’essaimer dans l’espace – ou plus modeste, d’étendre à la surface des mers de nouveaux habitats – ne devienne réalité.
Or, c’est le plus souvent l’activité humaine, activité libre, qui place notre espèce dans ces situations. Mais quel usage est-il fait de la liberté, si elle n’est pas éclairée par le sentiment de responsabilité ? A cause du surgissement de la liberté, « l’apparition de l’homme est un événement cosmique » selon la formule de Jean Piveteau. Événement heureux si cet homme par nécessité devient un animal moral.

haut de page

Au-delà de l’ivresse scientifique et technique, l’accélération de l’histoire propose à notre génération une tâche grandiose. Dépasser « les enchantements faciles et limités de l’Olympe des Hellènes », le dolorisme qui donne la première place à la douleur humaine et  « substitue au Zeus de Phidias l’homme de douleur de Mathias Grünwald » (René Huygue). Accéder à une vision qui intègre le respect de la vie et l’acceptation de la mort, la joie et la douleur, le succès et l’échec, le passé et l’avenir, la connaissance et l’amour, l’esprit d’entreprise et l’esprit de perfection, la contemplation et l’action, l’éphémère et l’éternel, la parcelle et le tout, l’atome et l’univers, le zéro et l’infini.

L’homme est grand dans la révolte lorsqu’il se dresse de sa haute stature face à l’indifférence de l’l’univers minéral. Alors il rassemble toutes les raisons qui font sa grandeur : car l’homme est esprit, l’homme est foi, amour, dynamisme, enthousiasme ; le silence sidéral retentit de ses imprécations contre l’anagké des Grecs, la fatalité qu’en toute évidence il refuse de considérer comme inexorable. À la démesure des forces qui l’écrasent, au déroulement implacable du temps qui broie et annihile, il oppose la folie d’une espérance contre toute espérance.

Et le voici qui par la science s’arrache à son destin. Il déplace les limites, il est Prométhée, avant d’être foudroyé. Jamais les forces de mort n’ont été aussi menaçantes. Pour certains imprécateurs de notre époque, jamais la société n’a tant dépouillé l’homme de l’humain, jamais elle n’a tant consumé dans le brasier des illusions perdues les rêves d’accomplissement.

En dépit des pleureurs, jamais non plus les chances n’ont été aussi grandes. L’homme précaire, l’homme aliéné, l’homme humilié, voici qu’il prend en main son destin pour le dominer, conjurer le malheur, forcer les voies d’une histoire neuve. Mais il ne s’agit encore que d’une histoire temporelle. L’inquiétude métaphysique habitera toujours l’âme des hommes pèlerins dans leur quête d’éternité.

 

Je suis biologiste. Le biologiste chaque jour a rendez-vous dans son laboratoire avec la vie ; il est habité par la passion de connaître. Jamais il n’est déçu lorsque, sous son regard, de nouveaux aspects de la création s’illuminent. Toujours, à l’instant très rare du tressaillement de la découverte, il est ébloui par la splendeur de l’ordre, la majesté des lois de l’univers et du monde vivant. Ébloui puis saisi de respect. Après une telle vision, la volonté s’aiguise de ne pas laisser l’homme saccager et détruire la vie dont est désormais comptable.
Un programme de salut est nécessaire. Il doit proclamer la valeur de la vie, faire servir la science à des œuvres de vie, sensibiliser davantage l’ensemble des hommes et des gouvernements à leurs responsabilités envers la vie et d’abord la vie humaine.

haut de page

Le 8 septembre 1960 à Paris, j’ai proposé aux hommes de science de s’unir avec les hommes du plus haut niveau de conscience et d’édifier une institution qui aurait valeur de symbole. Il faut que les hommes sachent qu’il existe quelque part sur la Terre un lieu de réflexion de l’humanité sur elle-même, sur son passé, son avenir et ses responsabilités envers la vie. Ainsi est né l’Institut de la Vie.
L’organisation est apolitique. Elle s’interdit d’intervenir dans les affaires intérieures des pays. Sa philosophie est positive, consciente des valeurs essentielles, soucieuse d’éthique, respectueuse de la vie, au service de tout l’homme et de tous les hommes.
L’Institut de la Vie a choisi pour inspirer son action la science, la vie, l’espoir, trois idées-forces qui justifient le retentissement de l’institution dans le monde.
Trois mille cinq cents hommes et femmes de pensée de quatre-vingt-dix pays dont soixante-huit Prix Nobel, et des membres illustres de grandes Académies des Sciences du monde ont réalisé, en plus d’un tiers de siècle, l’œuvre de l’Institut de la Vie.
Et sans cesse l’institution explore de nouveaux champs d’action : prévention des anomalies congénitales et des retards mentaux, protection du patrimoine génétique contre les agents chimiques mutagènes et cancérigènes de l’environnement afin que l’homme reste l’homme, réchauffement de la Terre, lutte contre les maladies parasitaires qui frappent des 80 % des habitants du tiers-monde, SIDA, biologie tropicale, préservation de la diversité des espèces, amélioration de l’habitat, maîtrise de la croissance, conséquences pour l’homme et la société de l’innovation scientifique et technique, le troisième âge, défi pour la science et la politique sociale, les besoins et ressources de l’humanité (économie, énergie, pollution, ressources minérales, modélisation globale), le problème des fins.
À cause :

l’Institut de la Vie a acquis un grand prestige dans la communauté scientifique et une confiance diplomatique universelle. Il a été reconnu par les Nations Unies comme organisation non gouvernementale.

L’Institut de la Vie développe avec succès deux grandes initiatives :

Nous voulons démontrer que la confrontation multidisciplinaire de grands esprits peut éclairer les humains sur leur place dans l’univers, le sens de leur propre existence, leur responsabilité envers la vie dans sa richesse, sa splendeur et sa diversité et leur responsabilité envers eux-mêmes et leur descendance. Une telle confrontation peut ouvrir les voies de l’avenir.

Les incessantes découvertes de la science bouleversent notre vision du monde. Par leurs applications, elles entraînent une prodigieuse accélération de l’histoire ; elles modifient radicalement notre propre condition, elles font grandir les chances et les périls et suscitent de graves problèmes de responsabilité. Le temps de l’âge adulte commence.

Oser aborder un sujet aussi fondamental que celui de la destinée humaine est d’une extrême ambition. Et pourtant tout homme, à certains moments de son parcours, dans son dialogue avec lui-même, avec la société et avec l’univers se pose des interrogations majeures. Dès la naissance, il porte un regard sur le monde étrange où il est projeté. La lumière du soleil, les ténèbres de la nuit, mais aussi la chaleur de l’amour d’une mère, l’enveloppent.
Il fait peu à peu l’apprentissage de lui-même, de l’humanité, du règne vivant, de la Terre et du cosmos. Il découvre le déroulement du temps, les joies, les ravissements, les amours, les victoires, les désenchantements, les chagrins et les peines. Il  participe au grand mouvement de la vie qui mystérieusement se poursuit, nous l’avons vu, depuis quarante millions de siècles.
Destin marqué aussi par la perspective du terme. De toutes les espèces vivantes, l’homme est sans doute le seul à être clairement conscient qu’il est mortel.

Mais notre périple est aussi fait de lumière et d’espérance.
Qui sommes-nous, d’où venons-nous, où allons-nous, quel est le sens de notre existence, quelles sont les valeurs de base que nous devons sauvegarder si nous voulons que l’humanité ait un avenir ? Comment répondre à chaque instant à tout défi chaque jour nouveau qui confronte l’humanité ? Organe d’intégration au niveau de l’espèce tout entière, le Centre ne négligera rien des richesses du passé. Il scrutera les potentialités du futur et les confrontera aux exigences et aux aspirations permanentes de l’homme dans toutes ses dimensions. Il analysera avec la  rigueur de la science la situation de la vie sur la Terre, s’interrogera sur la maîtrise du changement, la gestion du complexe et de l’imprévisible et sur une stratégie de la vie.  Il engagera une réflexion sur la condition humaine, les raisons de vivre et le sens de la vie.
« Le vent se lève, il faut tenter de vivre. » (Paul Valéry)

Cathédrale de l’esprit, le Centre mondial de l’Institut de la Vie sur la destinée humaine pourrait aider à éclairer les décisions stratégiques de l’humanité et donner une voix à la volonté de vivre et à l’espérance.
En répondant à ces deux défis : préservation de la biodiversité et réflexion sur notre aventure terrestre, nous saluerions notre entrée dans le troisième millénaire par la manifestation de notre intérêt attentif et reconnaissant pour l’ensemble des êtres vivants et par une interrogation émue, confiante et grave sur la destinée humaine.

 

Dans le tumulte de notre fin de millénaire, chacun perçoit l’attente d’une nouvelle renaissance, de l’avènement d’un temps où seraient reconnues la valeur de la vie et la grandeur de l’homme, l’homme dans l’exercice plénier de sa liberté responsable.

L’Institut de la Vie n’est pas seulement l’Institut de la cellule, il est l’Institut des raisons de vivre.
Il invite à la prise de conscience de la valeur et de la beauté de la vie.
Chaque homme détient une parcelle de l’espérance de vie, une frêle étincelle. Toutes ces étincelles peuvent être rassemblées en un immense brasier.

L’Institut de la Vie n’est pas seulement une organisation de recherche et d’action qui se veut réaliste, vouée à des œuvres concrètes, utiles, efficaces. Il est un chant, le chant de l’homme qui lance aux étoiles l’interrogation sur le sens de sa vie, qui projette son espérance vers un avenir plus riche de justice, de fraternité, d’amour. Il est l’affirmation de l’être humain dans la grandeur de son intelligence, de sa liberté, de l’autonomie de sa volonté. Il est le chant du monde, dans la majesté de ses lois, au-delà de l’antique chaos, dans son harmonie, au-delà des dissonances, dans sa durée en dépit des traverses de l’histoire.

Nous aussi nous sommes « les enfants du siècle », mais de quel siècle ! Un siècle dominé par le pouvoir que les hommes, encore dans leur préhistoire, se donnent à eux-mêmes par la science et qui doivent par nécessité éduquer leur liberté, maîtriser leurs passions, se ressourcer aux sagesses éternelles, et s’en inspirer pour forger une sagesse renouvelée. Devant des situations qu’ils n’ont jamais connues, ils doivent se confronter à d’immenses défis non pas les mains nues comme des voyageurs sans bagages mais enrichis de toutes les richesses du monde, armés de touts ses sagesses, nourris de toutes ses expériences, chargés de toutes ses attentes, comme des adultes enfin, déterminés à accomplir l’humanité de l’homme.

Poussière perdue dans l’océan de la matière, du temps et de l’espace, accrochée au flanc d’une planète éphémère, dans le poudroiement de l’immense cosmos, mais poussière vivante, pensante, agissante, souffrante, aimante et qui espère, voilà l’homme dernier né de la vie, étincelle d’esprit, créature d’amour, parcelle de connaissance, douleur et joie, « supplicié qui brûle et fait des signes sûrs son bûcher », selon l’image d’Antonin Artaud, venant on ne sait d’où, allant on ne sait où, tragique ou burlesque, pathétique ou dérisoire, mais d’une dimension incommensurable à l’immense, d’un esprit plus lumineux que mille soleils, d’un cœur plus riche que toutes les richesses de l’univers, d’un amour plus grand que l’élan de la vie.

Nous, hommes du XXème siècle, nous refusons la vue pessimiste qui considère toute civilisation comme mortelle. Nous voulons donner une voix à l’irrépressible espoir. Nous avons forgé de grandes civilisations. Leurs triomphes partiels redoublent en nous l’impatience de l’inaccompli. Leurs nouveaux accomplissements doivent plus encore donner droit à la revendication passionnée de la vie qui veut vivre et s’épanouir. Nous affirmons notre attachement à la vie humaine. Cette affirmation est indissociable des plus hautes valeurs qui lui donnent une raison d’être et un sens.

Il y a l’humaine condition et c’est la même misère et c’est la même grandeur, il y a l’angoisse et c’est le même naufrage, il y a l’échec et c’est la même tristesse, il y a le mal et c’est le même abîme, il y a la mort et c’est le même vertige. Mais il y a la vie et c’est le même éblouissement, il y a l’avenir et c’est la même chance et c’est le même péril, il y a l’intelligence et c’est la même clarté, il y a la liberté et c’est le même combat, il y a l’espérance et c’est la même attente, il y a l’amour et c’est le même accomplissement.

Écoutez la plainte de la vie qui veut vivre.
Entendez l’appel des millénaires à venir.
Soyez attentifs à la germination d’un monde nouveau : bientôt les bourgeons vont éclore.
Notre patrie n’est pas seulement nationale et terrestre. Elle est humaine. Elle est la vie.

Au nom de tous les hommes de la Terre qui ont en commun le vouloir vivre, en notre nom propre, au nom de la « tendresse humaine », nous célébrons la vie, nous la proposons comme enjeu majeur aujourd’hui et pour les millions de siècles à venir.

Maurice MAROIS
Conférence devant l’association des Universitaires de Belgique en France, 26 mai 1998. 

retour au sommaire

page précédente / 1 / 2 / 3 / 4 / 5 /

 

haut de page