l'Institut de la Vie - Témoignages


Extraits de lettres d'un biologiste canadien,
le Professeur BELANGER, de l'Université d'Ottawa (Canada)

8 novembre 1960

Votre organisation a bon vent à ce qu'il me semble. J'y ai beaucoup pensé. Quelle tragi-comédie que celle de l'homme du XXè siècle. D'une part les financiers, les grands marchands pour qui la guerre n'est qu'une extension du commerce ; par ailleurs quelques penseurs effrayés qui cherchent à se grouper pour que le monde entende leur voix. Partout, la grande masse des souffrants et surtout des indifférents. En bordure, les bouffons, les acrobates et les mages qui font leurs tours, espérant que la pluie des sous viendra, d'un côté ou de l'autre.

M. Gabriel Marcel a bien mis le doigt sur le point sensible, le psychisme. Comment peut-on croire en des gouvernements qui d'une part invoquent la Providence, et de l'autre machinent les pires destins ? Quelle différence y-a-t-il entre les feux de Rouen, ceux de Dachau et ceux d'Hiroshima et de Nagasaki, sinon l'efficacité « scientifique » ? L'homme a modifié son vêtement, sa maison et sa voiture, mais n'a pas changé son cœur.

Encore une fois, je vous répète, au risque de perdre votre estime, que je ne me sens aucunement la vocation de prophète ou de martyr. Je me suis taillé une petite place au soleil d'où je puis contempler dans une paix relative un petit coin de la nature. C'est là tout ce que je sais et je veux faire. Par ailleurs, il y a les Pauling, les Muller, les Marois qui sont déjà sur les barricades.

…Quels que soient les noms, j'espère que vous aurez des gens sincères ; j'espère aussi que vous aurez, parmi eux, des jeunes, beaucoup de jeunes car votre œuvre n'en est pas une d'un jour ou d'une génération. J'espère par ailleurs que vous aurez quelques adeptes qui, au bout d'une longue route, auront atteint les sentiers d'hiver où, dans le froid et le silence de la pénombre, on a enfin compris.


…Je suis heureux du fait que votre enfant, l'Institut de la Vie, ait vu le jour officiellement. Je vous en félicite et je lui souhaite longue vie. Il aura sûrement une vie mouvementée, le pauvre petit, surtout qu'il se destine à l'arène où il aura à faire face aux loups et aux serpents. Il trouvera sa force dans l'union des bonnes volontés. Certes, il aura sa grande mission spéciale envers et par la biologie, mais comme l'a dit Fujii à la réunion, il devra être conscient du tout scientifique et du tout humain et faire bande.

Je vous envoie quelques articles de journaux canadiens qui vous feront voir qu'ici, chacun s'occupe à sa façon de la chose humaine. Pour l'écrivain Leslie Roberts, c'est le voisinage inquiétant de la Grande Adolescence et des barbares de la science ; pour l'un de ceux-ci, le jeune Witchell, c'est la « conscience universelle » qui se réveille, pour Jo Davis, c'est le drame tragique de toutes les mères ; pour les Canadiens Français, c'est la grande Voix d'Amour et le chemin d'Emmaüs.

Quant à moi, c'est déjà l'automne dans les petites cellules comme dans les grands arbres : je vis égoïstement dans "la paix sereine des laboratoires et des bibliothèques", sachant bien que le printemps ne reviendra pas toujours. A ceux pour qui il reviendra plus souvent, je parle de biologie ; je parle aussi parfois de l'humanité, de la France, de Marois.

Pr. BELANGER, 8/11/1960

Haut de page

Extrait d'une lettre de M. François PERROUX
Professeur au Collège de France

1/10/1962

Je suis vraiment entraîné (au sens très fort) par votre intervention. Ce condensé vigoureux et d'un ton inoubliable – des connaissances que la science procure à notre angoisse existentielle, je l'ai longtemps cherché et je le tiens. Le hasard a voulu que je vous donne la preuve, sans savoir que vous étiez dans l'assistance, que mes préoccupations « appelaient » votre pensée. Parmi toutes les modalités de cette capacité « d'adapter le milieu à soi-même, plutôt que de s'adapter au milieu », d'inventer et de réaliser le milieu de notre plein épanouissement (l'Entfaltung de Karl Marx, mais enrichie et précisée sévèrement par la science et la philosophie de notre temps), il y a – à sa place qui est modeste – l'activité économique : elle suscite la « production » de l'homme par l'homme, grâce à la médiation d'un ordre des choses comptabilisables. Cet effort se situe très loin des recettes de l'Argent organisé.

Haut de page

Extraits du discours de Maurice DRUON
lors de la remise de la croix
d'officier de la Légion d' Honneur à Maurice Marois
7 octobre 1987

C'est l'éthique qui chez vous a porté le savant à une réflexion sémantique sur la discipline, sur la racine et le sens premier du vocable qui la désigne : bios, la vie. La vie, vous êtes-vous dit ; je travaille sur la vie, je travaille pour la vie, et non seulement pour la connaître, mais pour la défendre, puisque la vocation génétique de tout ce qui vit est de se perpétuer.

Ainsi avez-vous créé […], l'Institut de la Vie, […]. J'ai assisté aux débuts de votre institut ; et j'admirais que le jeune homme que vous étiez arrivât à mobiliser les plus grands savants, à susciter des ouvrages, à décerner des prix, et toujours parcourant le monde, avec ce mot la vie, la vie, la vie !

Vous ouvriez les portes des chefs d'Etat, et des plus hautes autorités religieuses ; vous surgissiez aux tribunes des Académies, des Universités, des Sociétés savantes les plus diverses, toujours proclamant le vie comme premier bien et première valeur.

Vous vous y êtes acquis une célébrité certaine ; vous êtes celui dont on dit : "Ah oui ! Marois, l'homme de la vie".

Maurice Druon
de l' Académie Française

Haut de page

Discours de Maurice MAROIS
à la Croix Rouge

C’est un très grand honneur pour moi d’être invité à m’exprimer devant vous. Mes premières paroles seront pour magnifier l’œuvre de la Croix Rouge. Grâce à la Croix Rouge, la preuve est faite qu’il est possible de réunir toutes les nations de la terre pour le respect d’un bien commun à tous les hommes, au-delà de leurs divisions : la vie.

Quand l’hommage est rendu, quand le tribut est payé à certaines valeurs qui appellent le sacrifice suprême, le moment vient où, au cœur des combats sanglants, toutes les vies blessées ou captives se ressemblent. Alors disparaissent les antagonismes, s’effacent les différences, tombent les armes ; alors s’instaure la trêve des affrontements et la faible vie, blessée ou captive, a raison de la violence. Une valeur plus forte impose enfin à toutes les autres son respect : la vie ; et elle éveille, dans la guerre et dans la paix, les sentiments de solidarité et de fraternité. Telle est depuis plus de cent ans la leçon héroïque de la Croix Rouge, attentive en toute circonstance à toute vie qui souffre.

Maurice Marois
Mexico, octobre 1971

Lettre aux jeunes

L’Institut de la Vie représente un capital unique de prestige, de confiance universelle, de haute tradition, de rigueur et de style. Ce capital, il le met au service de la vie.

Avec une intensité aiguë, je vis cet instant privilégié. Car l’homme de science que je suis rencontre les jeunes que vous êtes. La science est comptable d’une part de l’espérance humaine. La jeunesse, c’est l’avenir. Et voici que cette rencontre de l’espérance et de l’avenir est voulue par une très grande institution humanitaire, la Croix-Rouge, attentive à la vie qui souffre. Ensemble, fêtons la réconciliation de l’homme avec lui-même. Scellons l’alliance de l’homme et de la vie.

« Le vent se lève, il faut tenter de vivre. »
Le jour se lève. Vive la vie !
Mexico, le 11 octobre 1971
Maurice Marois.

Haut de page

Retour à la page d'Accueil © Marie-Elisabeth Marois 2008